Poilus de Couëron : un projet mémoire

Le devoir de mémoire est au cœur de ma pratique généalogique. Au-delà de retracer les lignées familiales, j’aime faire revivre le souvenir des hommes et des femmes “ordinaires” qui nous ont précédés. Parmi eux les poilus, ces soldats de la Grande Guerre, que l’on croise dans les livres d’histoire, lors des commémorations du 11 novembre, ou dont les noms sont gravés sur les monuments aux morts des communes, occupent une place particulière dans mon coeur.

Réveiller la mémoire de ces combattants oubliés m’amène régulièrement à engager des projets de recherche historique et généalogique, centrés sur une commune. En 2024, c’est tout naturellement que j’ai choisi de m’intéresser aux soldats de Couëron, en Loire-Atlantique, à partir des noms inscrits sur le monument aux morts.

Un premier volet à Sévérac d’Aveyron

Ce projet, lancé en 2024 autour des poilus de Couëron, constitue en réalité le deuxième chapitre de mon aventure généalogique consacrée aux soldats Morts pour la France.

En 2022, j’avais mené un premier travail similaire à Sévérac d’Aveyron, où je résidais alors. J’y avais reconstitué la généalogie, sur plusieurs générations, des soldats mentionnés sur les cinq monuments aux morts de la commune. Au-delà des filiations, je m’étais attachée à retracer leur parcours militaire et à comprendre les circonstances de leur disparition.

Ce travail avait donné naissance à un arbre mémoriel des poilus de Sévérac d’Aveyron, mis en ligne sur Geneanet, et s’était prolongé en 2023 par une exposition dédiée aux soldats du village de Buzeins, présentée lors des Journées du Patrimoine. Une véritable consécration : de nombreux descendants, encore installés sur place, avaient pu découvrir l’histoire de leurs ancêtres… et parfois même se découvrir parents entre eux, puisque la quasi-totalité de ces soldats étaient liés par des attaches familiales, proches ou éloignées.

Un nouveau chapitre à Couëron

Après cette expérience aveyronnaise, ma vie m’a conduite à Couëron, en Loire-Atlantique. Fidèle à ma curiosité généalogique, je me suis naturellement tournée vers l’histoire des poilus de la commune, d’autant plus que je passe chaque jour devant le monument aux morts qui porte leurs noms. Très vite, l’envie est née de lancer un nouveau projet de généalogie lié à la Grande Guerre : reconstituer l’histoire de Couëron à travers ses soldats tombés en 14-18.

Ce second projet, entamé depuis plus d’un an, se révèle plus ambitieux que le précédent. Il ne s’agit plus seulement de dresser les portraits individuels des soldats, mais d’élargir le regard à l’Histoire dans son ensemble : celle du conflit, bien sûr, mais aussi celle de la vie locale ligérienne et du quotidien des hommes et des femmes ordinaires du début du XXe siècle, confrontés à un bouleversement sans précédent.

Une démarche entre histoire et généalogie

Cette enquête a d’abord pris la forme d’un vaste travail de généalogie autour des poilus inscrits sur le monument aux morts de Couëron. Ma mission : reconstituer leur arbre familial sur deux à trois générations, ascendantes et descendantes, et retracer leur parcours durant la Grande Guerre.

Pour cela, je me suis appuyée sur les archives en ligne de Loire-Atlantique (fiches matricules, registres d’état civil…) ainsi que sur le site Mémoire des Hommes, qui conserve les fiches des soldats Morts pour la France.

Mais très vite, j’ai ressenti le besoin d’aller au-delà des trajectoires individuelles et de comprendre l’histoire de Couëron pendant la guerre : le destin de ceux qui sont partis au front et la vie des familles restées à l’arrière. J’ai alors exploré les recensements de population et surtout les archives municipales, où j’ai retrouvé de nombreux documents, parmi lesquels les avis de décès adressés à la Ville pour prévenir les familles, ou encore un répertoire recensant des noms de soldats. Celui-ci m’a d’abord paru lister uniquement les Morts pour la France, mais il mentionnait aussi des prisonniers et des blessés. Peut-être avaient-ils été un temps portés disparus ?

Cette découverte m’a conduite à élargir le champ de mes recherches : j’ai intégré dans mon étude non seulement les soldats figurant sur le monument aux morts, mais aussi tous ceux recensés dans ce carnet, ainsi que les hommes nés à Couëron ou y résidant au moment de la mobilisation, identifiés grâce au Mémorial virtuel de la Grande Guerre, sur le site des archives départementales de Loire-Atlantique.

Peu à peu, mes recherches m’ont menée en salle de lecture, vers d’autres fonds : dossiers de prisonniers de guerre, listes de mutilés et de réformés, archives sur les réfugiés installés à Couëron et même sur les orphelins de la commune ou la construction du monument aux morts.

Au fil de ces explorations, j’ai donc regroupé de nombreux documents qui permettent de comprendre la vie d’une petite ville de 6 000 habitants durant la Grande Guerre : comment ses habitants ont vécu le conflit, comment ils ont participé à l’effort de guerre depuis l’arrière comme depuis le front, où les soldats ont combattu, et quels destins contrastés ont connu ces voisins d’hier.

Depuis plusieurs mois, je navigue ainsi entre histoire locale et Histoire nationale, en m’appuyant sur une grande variété de sources : état civil, journaux de marche et opérations, dossiers médicaux du SAMHA, recensements, archives communales, dossiers de carrière aux ANOM, dossiers d’officiers au SHD, cadastre…

Quelle finalité ?

Pour valoriser ce travail, j’ai d’abord créé un arbre mémoriel sur Geneanet, dans la continuité de mes projets précédents. Mais cette fois, j’ai choisi d’aller plus loin en entreprenant la rédaction d’un livre consacré à Couëron pendant la Grande Guerre. Ce récit suit un fil chronologique, depuis la vie d’avant 1914, insouciante et en plein mutation, jusqu’à l’après-guerre : le retour des blessés, la réadaptation au quotidien, les commémorations…

Chaque chapitre s’articule autour d’une thématique : les prisonniers, les familles endeuillées, les soldats des différents fronts, les tués lors des grandes batailles, et met en lumière quelques destins : ceux de soldats, de familles ou de figures locales, choisis pour leur histoire singulière ou au contraire, reflétant parfaitement le destin de milliers d’hommes et de femmes.

C’est un travail de longue haleine, toujours en cours, que je souhaite partager peu à peu ici, à travers le récit de vie de quelques-uns de ces hommes et de leurs proches, tout en vous montrant les ressources les plus intéressantes pour retracer le parcours d’un soldat pendant la Grande Guerre.

2 Commentaires

  1. Quel beau projet ! j’ai hâte de voir la finalité, car j’ai voulu essayer avec ma commune et je me suis vite trouver face à un mur !

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    • Merci pour votre message ! J’espère vraiment pour aller au bout de ce projet, même si tout dépendra du temps que j’arrive à y consacrer. Qu’est-ce qui avait coincé pour vous sur ce projet ?

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