Pour découvrir le cadre et le niveau de vie de nos ancêtres, rien de mieux que l’inventaire après décès, qui permet de dresser un portrait fidèle de son habitation au moment de son décès. En effet, ce document notarié permet d’entrer dans la maison de nos ancêtres, de la parcourir pièce par pièce, de la cave au grenier en passant par la cour et les granges, et de découvrir tous les meubles et objets que contiennent ces pièces. Chaque objet est également décrit et estimé, ce qui permet de se rendre compte du niveau de vie du défunt. Il s’agit donc d’une source précieuse pour le généalogiste.

En me rendant aux archives de la Seine-et-Marne, j’ai pu découvrir l’inventaire après décès de mon ancêtre à la septième génération: Louis Anastase Mirville, mon sosa 226. Louis a passé toute sa vie en Seine-et-Marne, dans le village de Sâacy-sur-Marne, au bord de la rivière du même nom. Il est né en 1795 au sein d’une modeste famille de meuliers, vignerons et manoeuvriers. Par la suite, il sera lui-même meulier, profession très courante dans cette région connue pour la qualité de sa pierre meulière. En 1821, il épousera Marie Louise Adélaïde Jacob, avec qui il aura trois enfants: Louise Alexandrine en 1822, Augustine Adèle Louise en 1831 et Eugène Félix en 1838. Mais le petit garçon décèdera en bas-âge. Son épouse mourra la même année que son fils, en 1839. Deux ans plus tard, sa fille aînée se mariera et en 1841, Louis Anastase Mirville se remariera avec Marie Louise Clémentine Vidier, elle aussi veuve d’un premier mariage. Louis mourra dix ans plus tard, en 1851, laissant une femme et surtout deux filles, dont l’une est encore mineure et célibataire. Quand il reste des enfants mineurs au moment d’un décès, il est courant qu’un inventaire après décès soit réalisé. Ce sera donc le cas pour Louis Anastase Mirville. L’inventaire sera réalisé le 6 mai, deux semaines après sa mort, à la requête de sa veuve, de son gendre agissant pour Louise Alexandrine et de son frère, tuteur de la cadette encore mineure. Les deux soeurs sont en effet héritières, chacune pour moitié, dans la succession de leur père. Entrons maintenant dans sa maison, à la suite de Dominique Jozon, le notaire, pour découvrir la maison de Louis Anastase Mirville, située dans la rue Pierreuse à Sâacy-sur-Marne.

Après la cour, nous entrons dans la première pièce de la maison, au rez-de-chaussée. Il s’agit de la pièce à vivre, faisant office de cuisine, de salle à manger mais aussi de chambre. On y trouve de nombreux ustensiles comme deux chenets, une pelle, une pincette, une crémaillère, une chevrette, un vieux bouchefour, un vieux soufflet de foyer et une salière en bois, estimés 2,85 francs mais aussi quarante cinq pièces de poterie, faïence et verrerie estimées 6,75 francs, un seau, deux marmites, une casse en cuivre, deux décroche pots, un petit banc, une petite passoire en fer blanc d’une valeur de 4,55 francs ou encore une bassinoire en cuivre rouge, une vieille lanterne en fer blanc, un chandelier en fer, une paire de mouchettes et son plateau et un petit miroir estimés à 4,50 francs.

On remarque que l’adjectif « vieux » est souvent accolé à l’objet, ce qui indique que son état semble usé, montrant que la famille vit modestement, n’ayant pas les moyens de remplacer ces objets. Les meubles les plus couteux de la pièce sont une horloge dans sa boite en bois blanc estimée à 14 francs, l’ensemble de salle à manger contenant une huche en chène, un vieux buffet en bois blanc, une vieille table en chène, une petite table en bois blanc et cinq chaises, le tout estimé pour 14,50 francs, ainsi qu’une armoire en chêne d’une valeur de 18 francs. On remarque également que le tissus était plutôt cher à l’époque puisque les treize draps en grosse toile rangés dans l’armoire sont estimés à 39 francs. Louis n’avait pas non plus les moyens de changer régulièrement ses vêtements. Ceux-ci, encore rangés dans l’armoire, sont usés et abîmés. Il avait 25 chemises estimés à seulement 1 francs chacune en raison de leur mauvais état ainsi qu’un vieux pantalon, une vieille blouse et un pantalon de travail d’une valeur de 4,50 francs.
Quittons à présent la première pièce pour se rendre dans la suivante qui sert de chambre. Elle contient uniquement une vieille couchette sur laquelle sont posés une paillasse, un vieux lit de plumes, un oreiller, un traversin et une vieille couverture, le tout estimé à 35 francs. Ces deux pièces sont les seules constituant les pièces à vivre de la maison. Elles contiennent donc deux lits ainsi que cinq chaises, sachant que la famille se composait, au moment du décès de Louis, de quatre personnes. Louis y vivait avec son épouse et les deux filles de cette dernière, âgées de 17 ans et deux ans. La fille de Louis, encore mineure, travaillait surement comme domestique chez une famille de la région et ne vivait pas avec eux.
En plus des deux pièces de vie, la maison comprenait un grenier servant à entreposer denrées et matériel. On y trouve en effet deux vieux tonneaux, un dévidoir, deux clayères, deux pelles à four, une cognée, une hotte à vendange, un crocher, une palette en fer, un lot de ferraille et quarante fourrés de serment, le tout estimé avec un petit tas de bois pour 15 francs. La visite se poursuit à l’extérieur, dans la cour, où on trouve quatre futs pleins de vin du pays, un autre à moitié plein, trois fûts vides, une petite cuve, une échelle et un lot de fagots et bois.
Au total, le montant de la prisée effectuée s’élève 276,05 francs. S’ajoutent à cela quelques outils appartenant à Louis, laissés dans la carrière où il travaillait à Condetz, hameau de la Ferté-sous-Jouarre. En comparant ce montant à celui de la prisée mobilière indiquée sur les déclarations de succession de plusieurs autres ancêtres à cette même période, on se rend compte que Louis était assez pauvre. En effet, le montant des autres prisées mobilières comparées est plus élevé, allant de 582 à 959 francs.
L’analyse de cet inventaire après décès m’a donc permis d’entrer dans la maison de mon ancêtre et d’évaluer son niveau de vie. L’état de son mobilier, assez vieux et abîmé, s’explique par son métier de meulier, dur et surtout peu payé, qui ne lui permettait pas des achats réguliers. Louis a donc vécu une vie très modeste dans une petite maison en location, ne possédant que peu de choses.
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