En généalogie, nous avons rarement l’occasion de connaître les circonstances de décès de nos ancêtres. Mais lors d’épidémies, il arrive que la cause du décès soit indiquée dans l’acte, peut être afin de tenir les comptes du nombre de morts causé par la maladie. À l’occasion de mes recherches, j’ai ainsi découvert que la ville de Gisors fut touchée par l’épidémie de choléra qui ravagea la France en 1832.
Qu’est-ce que le choléra ?
Le choléra est une infection intestinale, provoquée par une bactérie, et transmise par la consommation de boissons ou d’aliments souillés, ou bien par voie directe fécale-orale. La maladie est ainsi associée à l’insalubrité et la pauvreté. Cette maladie, contagieuse, se transforme en épidémie et provoque le décès de la moitié des personnes atteintes. Le début de la maladie se déclenche brutalement et sans signes annonciateurs. Les symptômes sont des vomissements et une diarrhée abondante et excessive, qui entraînent une grave déshydratation, une chute de la tension et une légère hypothermie. C’est cette déshydratation qui cause la mort, le malade devenant très maigre, faible et émacié.
L’épidémie de 1832
Au XIXè siècle, la France pense en avoir fini avec le fléaux des épidémies, la dernière grande peste datant de 1720. Mais c’est le choléra qui fera son apparition, d’abord en Asie. Pour prévenir une épidémie de cette nouvelle maladie, des mesures sanitaires préventives sont mises en place dès 1831, mais cela n’empêchera malheureusement pas la maladie d’arriver en France.

Cette pandémie naît en Inde vers 1826 et s’étend jusqu’en Russie, en 1830. En 1831, elle est en Angleterre et en Allemagne. Le premier cas officiel de choléra en France est à Paris, le 26 mars 1832. Dix jours plus tard, près de 2 000 cas sont recensés à Paris, montrant la progression rapide de l’épidémie. Celle-ci durera 189 jours, de mars à septembre 1832, et fera près de 100 000 morts, dont 18 500 à Paris et 19 000 à Marseille.
Le choléra à Gisors
La ville de Gisors, en Normandie et à la frontière de l’Ile-de-France, est très présente dans ma généalogie. J’y ai de nombreux ancêtres, à toutes les époques. C’est en consultant l’acte de décès du fils de l’un de mes ancêtres que j’ai vu cette mention, en marge de l’acte: « Épidémie choléra morbus ». En tournant les pages, je me suis aperçue que de nombreux décès étaient accompagnés de cette mention, et je m’y suis donc intéressée de plus près.

Gisors compte généralement moins de 100 décès par an, mais l’année 1832 est marquée par 172 décès, dont 78 dûs au choléra, soit près de la moitié. L’épidémie arrive à Gisors aux alentours du 10 avril, puisque la première victime décède le 14 avril 1832. Le mois d’avril voit ainsi sept décès dûs au choléra, puis il y a 42 décès en mai, 27 en juin et deux en juillet, marquant la fin de l’épidémie dans la ville. Il semblerait que l’épidémie était à son plus au niveau fin mai / début juin.
Ce sont donc 48 femmes et 30 hommes qui décèdent du choléra cette année là. La moyenne d’âge des décès est de 43 ans, mais ce sont les personnes âgées et les enfants qui sont le plus touchées, leur faible constitution résistant probablement moins à la sévère déshydratation causée par la maladie. Les plus jeunes victimes sont deux bébés de quelques mois et la plus âgée une veuve de 79 ans. Mais on compte tout de même deux victimes âgées de 18 ans, six ayant entre 21 et 30 ans et une douzaine âgée de 31 à 40 ans.
Le choléra étant associé à des conditions de vie insalubres, on pourrait penser que seuls les pauvres étaient touchés, mais au contraire, toute la population pouvait être victime de la maladie. En France, de grands personnages moururent lors de cette épidémie, comme le régent de la banque de France, le général Lamarque, le baron Pierre Daumesnil ou encore Champollion, le célèbre égyptologue !

À Gisors, nombreux sont les ouvriers, artisans et agriculteurs à mourir. On compte de nombreux journaliers, des ouvriers du tissus, des charretiers, charrons, jardiniers, tourneurs en bois ou encore cordonniers. Mais on dénombre aussi quelques notables au nombre des victimes. Jean Julien Chartier de Chennevière, un rentier de 62 ans, est ainsi la deuxième victime de l’épidémie, et Jacques Carré, ancien professeur au collège Charlemagne de Paris et membre du conseil municipal de Gisors est l’avant dernier mort.
Au début de l’épidémie, les victimes du choléra sont apparement prises en charge à l’hospice de la ville, peut être dans l’espoir d’éviter la propagation de la maladie. Le premier mois, la majorité des victimes sont en effet décédées à l’hospice. Mais au plus fort de l’épidémie, les victimes meurent généralement à leur domicile et seules les plus pauvres, ou bien les personnes isolées, sont prises en charge par l’hospice de Gisors. On remarque que tous les enfants décédés le sont au domicile de leurs parents, au risque de contaminer toute la famille. Cependant, on ne compte aucun parents parmi les victimes: pas de couples, de fratries ou de parents et enfants.
Et vous, vos ancêtres ont-ils croisés la route d’épidémies ?
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