Un contrat de mariage révélateur
Prenons la direction de Meaux, ancienne capitale de la Brie, située à une quarantaine de kilomètres à l’est de Paris.

À la mi-juin de l’année 1645, nous retrouvons François Candas et Marie Moreau, mes ancêtres à la treizième génération. Ces deux jeunes gens sont fiancés et se retrouvent dans le bureau de Maître Guillaume Maciet, notaire à l’étude notariale de Meaux II, l’une des cinq études que compte la ville. Le notaire reçoit les deux parties. D’un côté, le futur marié: François Candas est marchand épicier à Meaux, il est âgé de 27 ans et est déjà veuf en première noce de Louise Deleans, décédée quelques mois auparavant. Étant majeur, il comparait pour lui et en son nom. Mais il est accompagné de ses parents, François Candas et Geneviève Pomart, qui sont également marchands à Meaux, et de Louis Boudreau et Jean Caillet, deux autres témoins. La future épouse, elle, est mineure. Elle a à peine 18 ans. Elle est donc sous l’autorité de son père, Jacques Moreau, marchand. Jacques Moreau comparait donc pour sa fille qui est tout de même présente. Des oncles paternels et maternels sont également présents en guise de témoins. L’objectif de ce rendez-vous devant le notaire est d’établir le contrat de mariage des futurs époux, qui fixera les conditions et dispositions dudit mariage.

Peu lisible pour nos yeux contemporains, cet acte nous apprend cependant que la mariée apporte sa tenue neuve de mariage ainsi que le linge de son trousseau. En plus de ces apports matériels, la jeune fille est munie d’une dot, somme d’argent que le père ou tuteur de la mariée remet à l’époux. Dans le cas de notre couple, le père de Marie s’engage à verser la somme de 1100 livres dans un premier temps, puis 1200 livres plus tard. Des dispositions sont également prises pour un éventuel futur fils. Ce contrat de mariage est très complet et les sommes constituant la dot de Marie Moreau sont importantes.
Famille et passé des futurs époux
Mais alors qui sont les familles Candas et Moreau ? Marie Moreau naît vers 1627 à Meaux, de Jacques Moreau et Marie Douché, un couple de marchands. Jacques fait partie de la corporation des marchands épiciers de la ville. Nous n’avons pas plus d’informations sur la famille Moreau et sur l’enfance de Marie, mais la simple profession de Jacques nous amène à penser que la famille est relativement aisée, ce que confirme le contrat de mariage. Concernant la famille Candas, nous avons beaucoup plus d’informations, remontant au début des années 1500. François descend d’une famille originaire de Meaux depuis plusieurs générations. Son père travaille pour le prévôt des maréchaux de France, magistrat à la tête de la maréchaussée. François Candas y est archer et messager, c’est-à-dire qu’il est chargé de faire respecter l’ordre public et de faire exécuter les décisions de justice . Son épouse, Geneviève Pomart, vient quant à elle d’une famille de meuniers de Meaux par son père et de tanneurs et laboureurs par sa mère. Le couple se marie dans l’église Saint-Remy de Meaux en 1617 et accueille son fils aîné, François, qui prend le prénom de son père. Il naît le 12 février 1618, et sera suivi par deux frères et quatre sœurs. Vingt-quatre années passent et François, devenu jeune homme, s’établit comme marchands à Meaux et épouse Louise Deleans en 1642. Louise décédera après quelques années de mariage et François épousera Marie Moreau en seconde noce, le 10 juillet 1645, quelques jours après la signature du contrat de mariage.
Vie de famille à Meaux
Après leur mariage en juillet 1645, le jeune couple reste à Meaux. Mais un premier enfant tarde à venir, un an après leur mariage, toujours pas de grossesse pour Marie. Heureusement, les choses s’arrangent et le couple accueille son premier enfant le 17 novembre 1647. Le jeune père espère un fils. Il veut pouvoir lui transmettre son métier, et obtenir l’argent promis dans le contrat de mariage pour la naissance d’un fils. Mais Marie met au monde une petite fille. L’enfant sera baptisé le jour même à l’église Saint-Christophe, paroisse dont dépendent ses parents. Cette église est aujourd’hui disparue, désacfectée après la Révolution Française, et il n’en reste que le portail et son encadrement, dans la rue du Grand-Cerf. Mais à l’époque, c’est une grande église, et c’est sur son autel qu’est baptisé la toute jeune Marie Candas. Elle est nommée en l’honneur de sa mère mais aussi de sa marraine, Marie Brion, qui la porte sur les fonds baptismaux. Son parrain est Nicolas Morin, un bourgeois de la commune, également marchand. L’enfant est confiée à une nourrice, pratique très courante à l’époque. La jeune Marie échappera aux dangers de la petite enfance et accueillera un petit-frère le 7 février 1653. Il sera prénommé François, comme son père et son grand-père avant lui. Les naissances s’enchaîneront par la suite: Jacques naît en 1654, Noël en 1656, Magdeleine en 1659 et Jean en 1663. Marie a 36 ans et les grossesses la fatiguent. Mais elle tombe de nouveau enceinte. Un autre François naît en 1666, puis Françoise en 1667 et de nouveau François en 1668. Fin 1668, la famille déménage. François et Marie signent en effet un bail pour le moulin Saint-Faron, situé sur le pont du Grand Marché à Meaux.

Ce moulin fait parti des célèbres moulins de Meaux, qui furent entièrement détruits dans un incendie en 1920. Dès le VIIè siècle, un moulin existait sur le pont du marché, alors le seul pont franchissant la Marne à Meaux, sur la voie romaine de Troyes. Ces moulins ont pris de l’ampleur et forment un véritable quartier. Les deux extrémités du pont sont fermées durant la nuit, isolant le marché. C’est également le seul pont reliant les deux côtés fortifiés de la ville. C’est donc un emplacement stratégique pour le marchand qu’est François. Le pont du marché et ses moulins sont au cœur de l’activité commerciale de Meaux. La famille Candas s’y installe donc entre la fin décembre 1668 et le début du mois de janvier 1669. Onze mois plus tard naîtra le dernier enfant de la fratrie, un garçon nommé Nicolas. La plupart des enfants atteindront l’âge adulte mais Jean meurt à l’âge de 8 ans, en 1671. À cette époque, la fille aînée, Marie, est déjà mariée. Elle a épousé René Tournery, receveur et amodiateur de la terre et seigneurie du château d’Armentière-en-Brie, un village à quelques kilomètres de Meaux, en amont de la Marne.
Fin de vie et établissement des enfants
François Candas aura le temps de voir sa fille aînée se marier en 1670, avant son décès. Il s’éteint à l’âge de seulement 54 ans, le 14 mars 1672 et les cérémonies d’inhumation ont lieu dans l’église Saint-Christophe, où ont été baptisés tous ses enfants. Marie Moreau se retrouve donc veuve à 45 ans, avec encore huit enfants à la maison, âgés de 19 à 3 ans.

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