Homonymes et imbroglios généalogiques: le cas de Jean Durand et Jeanne Perraudin

En remontant tranquillement ma généalogie, au début, je ne faisais pas toujours attention aux détails, aux sources et je me suis retrouvée à faire une grosse erreur sur l’ascendance de l’une de mes ancêtres, Marguerite Durand. Je voyais bien que quelque chose n’allait pas puisque je n’avais jamais retrouvé l’acte de mariage des parents de Marguerite, les dates clochaient, je pensais déjà à une erreur d’homonymes, surtout que leurs noms sont très courants dans le Morvan, où ils vivaient. Jean Durand et Jeanne Perraudin me donnaient donc du fil à retordre. Mais c’est en refaisant mon arbre généalogique de zéro, justement pour vérifier ce genre d’erreurs, que je me suis rendue compte que je m’étais bel et bien trompé d’ascendance, pour tous les deux ! 

Voici donc le récit de mon erreur. Tout commence par l’acte de mariage de mes arrière-arrière-arrière-grand-parents, Emile Benoni Leblanc et Marguerite Durand. Sur celui-ci est indiqué les informations me permettant normalement de retrouver la trace des parents de la mariée. Marguerite Durand est née le 2 août 1844 à Sémelay, dans la Nièvre, et est la fille de Jean Durand, journalier au hameau de Marry et de Jeanne Perraudin, son épouse, décédée. L’étape suivante est donc d’aller retrouver l’acte de naissance de Marguerite. Je le trouve bien au lieu et à la date indiquée et je découvre également plusieurs frères et soeurs.

Voici donc la fratrie que j’ai trouvé:

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Jusque là tout va bien mais les choses se complique pour retrouver l’acte de mariage des parents: Jean Durand et Jeanne Perraudin. Je cherche à Sémelay, je ne trouve rien.

Je me tourne donc vers les actes de décès, laissant de côté l’acte de mariage.  L’acte du second mariage de Marguerite indique que sa mère est décédée à Marry, hameau de Sémelay, le 20 novembre 1853. Cool, la recherche sera facile… sauf que non, parce que pas de trace de l’acte dans les registres. Zut !

Je sais que Jean Durand est quant à lui toujours vivant lors du recensement de 1886 puisqu’il vit dans la famille de sa fille à Marry. En cherchant dans les registres de la commune, je trouve le décès d’un Jean Durand journalier de 80 ans, décédé le 25 avril 1889 à Marry, hameau de Sémelay. Notre Jean Durand avait 76 ans sur le recensement de 1886, ce qui est un premier élément qui semble confirmer que c’est le bon. De plus, le déclarant est son gendre Jean Remond, qui est bien le second mari de notre Marguerite. Bingo, j’ai bien trouvé l’acte de décès de mon ancêtre. Et en plus, celui-ci indique qu’il est né le 27 avril 1809 à Sémelay et qu’il est le fils de Jean Durand et de Pierrette Laureau. Bon bah tout semble bien parti. 

Acte de décès de Jean DURAND – Source: AD 58

Je me lance donc dans la reconstitution de la famille. Jean Durand et Pierrette Laureau se sont mariés à Saint-Honoré-les-Bains, commune voisin de Sémelay, en 1792. Ils ont eu 12 enfants dont 5 sont décédés enfants.

Je recherche la trace des autres enfants. Et c’est là que les problèmes commencent ! Jean Durand, né en 1809, s’est marié avec Marie Poupon en 1830 à Montambert. Ils auront trois enfants avant le décès de Marie en 1835. Jean se remarie l’année suivante avec Jeanne Douard, à Charrin, mais son épouse meurt en 1840. Quelques mois plus tard, il épouse en troisièmes noces Lucie Moine, le 29 septembre 1840 à Montambert. Le couple accueille quatre enfants, en 1843, 1845 , 1848 et 1850, tous nés à Saint-Hilaire-Fontaine. Ils déménagent ensuite à La Machine où Jean meurt le 14 décembre 1879 à l’âge de 70 ans. L’acte annonce qu’il a 72 ans, qu’il est né à Sémelay, que ses parents sont Jean Durand et Pierrette Laureau et qu’il est marié avec Luce Moine. Malgré une petite erreur sur l’estimation de l’âge, il s’agit bien de Jean, né le 27 avril 1809 à Sémelay. Mais problème, quand s’est-il marié avec Jeanne Perraudin, mon ancêtre, avec qui il eu quatre enfants. Ces derniers sont nés entre 1841 et 1852, hors, à ces dates là, il est marié avec Luce Moine et vit à Saint-Hilaire-Fontaine, à une vingtaine de kilomètres de Sémelay. Jean Durand aurait-il donc eu une double vie ? Serait-il possible qu’il soit marié avec Luce Moine, avec qui il vit à Saint-Hilaire-Fontaine et avec qui il a quatre enfants, et en même temps avec Jeanne Perraudin qui vit à Sémelay et avec qui il aura aussi quatre enfants ? Impossible à dire sans retrouver l’acte de mariage de Jean Durand et Jeanne Perraudin, hors, le seul que je trouve à ces noms là dans les environs a eu lieu à Saint-Honoré-les-bains en 1837. Mais les parents du marié ne correspondent pas à ceux que j’avais trouvés grâce à l’acte de décès. 

Ce cas mystérieux m’interpellait, mais je l’ai mis de côté pendant quelques temps. Ce n’est que récemment, en refaisant mon arbre de zéro, que je me suis re-penché sur cette épine généalogique. Et cette fois-ci, j’étais bien décidée à résoudre ce mystère !

Je me suis donc bien organisée et j’ai décidé de chercher des indices, que je noterais au fur et à mesure sur des morceaux de papier que je pourrais étaler, afin d’avoir une vue d’ensemble. Peut-être que ça me permettrait d’assembler le puzzle.

Voici un petit aperçu de mon installation: chaque papier reprend un événement, suivi des indices sur Jean et Jeanne

J’ai donc repris le chemin du début, avec les deux mariages de Marguerite, la naissance de ses frères et soeurs et les recensements de population où ils apparaissent. Ces premiers événements m’apportent quelques indices. Tout d’abord, l’âge de Jean Durand est très approximatif puisqu’il semble être né entre 1805 et 1821… large fourchette ! De plus un témoin revient régulièrement, il s’agit de Jean-Marie Durand, né vers 1820, qui est un frère de notre Jean Durand. Et enfin, Claude, le frère de Marguerite sur lequel je n’avais pas d’autre information que sa naissance, a atteint l’âge adulte puisqu’il est témoin au second mariage de sa soeur. 

La seconde étape était donc de tenter de retrouver des informations sur Claude et Jean Marie Durand. Direction donc les recensements de Sémelay où je trouve un Jean-Marie, marié à Annette Bonneau, dans le recensement de 1872, et un Claude Durand marié à Eugénie Lemaire dans le recensement de 1881. Au vu de l’estimation des dates de naissance, ils semblent être ceux que je recherche. En creusant un peu, je retrouve rapidement l’acte de mariage de Claude Durand et Eugénie Lemaire, à Millay, en 1875. Jean est bien le fils de Jean Durand et Jeanne Perraudin. Je retrouve aussi le mariage de Jean Marie Durand et de Jeannette Bonneau en 1853 à Sémelay. Jean Marie est né en 1820 à Saint-Honoré-les-Bains et est le fils de Jean Durand et Sébastienne Perrot. La bonne nouvelle dans la découverte de ces deux actes, c’est que j’ai appris la date et le lieux de décès de Jeanne Perraudin, la mauvaise c’est que les noms des parents de Jean-Marie ne correspondent pas à ceux de Jean Durand, que j’avais appris grâce à son acte de décès. 

Je vais donc voir si l’acte de décès de Jeanne Perraudin est bien inscrit au lieu et à la date indiquée puisque j’avais déjà eu un faux espoir avec la date indiquée sur l’acte de mariage de sa fille Marguerite. Mais cette fois-ci, la date est la bonne puisque je trouve l’acte de décès. Il m’apprend que Jeanne est née vers 1815 à Saint-Honoré-les-Bains, et qu’elle a un frère prénommé Lazare.

Acte de décès de Jeanne PERRAUDIN – Source: AD 58

Jeanne étant née à Saint-Honoré-les-bains, il est probable que son mariage avec Jean Durand y ai eu lieu également, comme le veut la tradition de l’époque. Je repense donc au mariage que j’avais trouvé et qui ne semblait pas être le bon. Je retourne le voir. Il s’agit bien de notre Jeanne Perraudin. Mais alors pourquoi l’époux ne semble pas être notre Jean Durand ? J’en arrive à la conclusion que je ne dois pas tenir compte des informations contenues dans son acte de décès. En effet, les informations sont rapportées par les témoins, qui ne connaissent pas bien le défunt. Ils ont probablement cité son âge approximatif et pensaient qu’il était né à Sémelay, où il a vécu durant de très longues années. Un acte de naissance d’un Jean Durand en 1809 à Sémelay semblait correspondre, les informations ont été reprises, mais elles étaient fausses ! Il me faut donc retrouver « mon » Jean Durand.

Il semble être le frère de Jean Marie Durand dont j’ai retrouvé le mariage. Il serait donc le fils de Jean Durand et de Sébastienne Perrot. Jean Marie est né en 1820 à Saint-Honoré-les-bains. Je vais donc tenter de reconstituer cette famille pour voir si Jean Durand en fait bien partie. 

Le couple Jean Durand et Sébastienne Perrot s’est uni à Sémelay en 1798. C’est en effet la commune où ils sont tous les deux nés, et ils vivent au hameau de Marry au moment de leur mariage. Ils ont d’abord deux fils: Jean né en 1802 et François né en 1805. Puis une fille Marguerite née en 1808. Ils quittent ensuite Sémelay pour s’installer à Remilly où nait leur fils Jean en 1812, puis un autre Jean en 1815. Enfin, ils ont un dernier enfant, notre Jean-Marie, né à Saint-Honoré-les-Bains en 1820. Le Jean de 1812 est celui qui a épousé notre Jeanne Perraudin en 1837, d’après sa date de naissance, indiquée dans l’acte de mariage. Le mystère est donc résolu ! Mon erreur provenait du fait que je me suis arrêtée aux informations fournies par l’acte de décès de Jean Durand. Cependant les actes de décès ne sont pas les plus fiables, d’autant plus si les déclarants ne sont pas très proches du défunt. Il y a dont bien eu deux Jean Durand, à peu près du même âge, ayant vécu en partie à Sémelay durant cette période.

Conclusion ? Toujours bien recouper les indices, ne pas trop se fier aux actes de décès et faire attention aux erreurs d’homonymes !

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