Il y a six ans, en commençant mon arbre généalogique, je me suis très vite retrouvée bloquée pour remonter la branche patronymique de mon grand-père maternel. En effet, Emile Benoni Leblanc, mon arrière-arrière-arrière grand-père est un enfant abandonné de l’hospice de Paris, comme je vous l’expliquais dans cet article qui lui est dédié.

L’histoire commence quand je trouve l’acte de mariage des parents de Jean LEBLANC, le grand-père de mon grand-père maternel. Emile Benoni LEBLANC et Marguerite DURAND se marient le 23 décembre 1872 à Sémelay dans la Nièvre. Je n’ai aucun soucis pour le trouver puisque presque toute leur descendance vient de ce village du Morvan où mon grand-père est d’ailleurs né en 1942. 

Cet acte m’apprends que Emile Benoni LEBLANC est « élève de l’hospice de Paris, né à Paris le vingt trois février mil huit cent quarante quatre, admis à l’hospice le vingt quatre du même mois, sous le numéro sept cent cinquante trois, fils naturel de Amable Rosalie LEBLANC et de père inconnu ». Surprise pour moi, la famille LEBLANC ne viendrait donc pas du Morvan ! Je vais donc par la suite tenter de découvrir l’histoire de cet enfant des hospices de Paris et surtout de découvrir ses origines et de retrouver la trace de sa mère. Mais comment faire ? 

L’état-civil de Paris – Retrouver l’acte de naissance

Ma première solution était de retrouver son acte de naissance puisque j’avais le lieu et la date. Mais pour l’état-civil antérieur à 1860 à Paris, seule une partie des actes, reconstitués, sont accessibles puisque qu’une grande partie à été détruite. J’ai feuilleté les actes disponibles en ligne, mais aucune trace de celui de mon ancêtre, comme je m’y attendais malheureusement.

Archives des enfants assistés de Paris

Après ce premier échec, je me tourne vers une autre ressource en ligne sur le site des archives de Paris: les répertoires d’admission des enfants assistés. L’acte de mariage mentionnait en effet une admission le 24 février 1844 sous le numéro 753. Pour la période 1761-1858 les enfants admis sont catégorisés comme « enfants trouvés ». Dans le registre numérisé, je trouve bien la trace de Emile Benoni LEBLANC sous le numéro 753. Mais ce registre ne donne pas d’autres informations, ni sur l’enfant ni sur la mère.

Pendant longtemps, ma recherche s’est arrêtée là. Mais en mai 2018, nouvelle chance d’obtenir des informations. Sur Geneanet, une volontaire effectue des déplacements aux archives de Paris et notamment pour retrouver des dossiers d’enfants assistés. Je lui soumet ma recherche. Elle reviendra vers moi avec quelques informations. Elle a pu accéder au « registre de réception des enfants trouvés, abandonnés et orphelins » duquel elle me transmet des photos. Ce document indique que Emile Benoni LEBLANC est admis à l’hospice le 24 février 1844 sous le numéro 753 et qu’il est catégorisé comme « enfant trouvé ». C’est un garçon, fils naturel né le 23 février.

Toutes ses informations ne sont que des confirmations de ce que je savais déjà, mais d’autres indications vont venir éclairer ma recherche. Dans la colonne lieu de naissance, il me semble lire le mot « accouchement », ce qui ne m’aide pas sur le moment. En effet, pour d’autres enfants est indiqué une ville ou un arrondissement parisien mais pour Emile et trois autres enfants, la notion d’accouchement me semble bien mystérieuse. Ce registre nous confirme aussi que Emile est le fils de Amable Rosalie LEBLANC et qu’il est placé en nourrice à Beaune le trois mars. Si je n’apprends rien pouvant m’aider à retrouver la trace de la mère de Emile, je comprends un peu mieux comment il s’est retrouvé dans le Morvan. Il est en effet placé à Beaune, en Côte d’Or, à une centaine de kilomètre à l’est de Sémelay.

Ce document ne m’apprends pas grand chose de nouveau, mais me permet de faire un premier pas pour comprendre le parcours de mon ancêtre. Malheureusement, cette bénévole m’apprend que le dossier d’Emile n’a pas été conservé.

Retrouver Amable Rose LEBLANC

Ayant un nom pour la mère d’Emile, j’ai ensuite tenté de retrouver sa trace sur Geneanet. Mais aucun résultat n’est ressortit. Je me suis aussi intéressée aux actes reconstitués de Paris pour tenter de retrouver un décès de Amable Rosalie LEBLANC peut de temps après son accouchement, sans succès. A ce stade, j’avais épuisé beaucoup de ressources et pensais être dans une impasse. Mes recherches se sont de nouveau arrêtées pendant quelques mois.

La piste de l’hôpital

En me re-penchant quelques mois plus tard sur ce mystère, je découvre une nouvelle piste. Peut être que le mot «accouchement» cité comme lieu de naissance signifie que Emile est né à l’hospice ? Mes recherches sur internet me font tomber sur un document de Sandra Brée intitulé Les accouchements hors domicile à Paris au XIXè siècle. 

Ce document m’apprends que la Maternité Port-Royal accueille la plupart des accouchements hors-domicile à Paris à l’époque. Je contacte donc par mail le service des archives de l’AP-HP pour savoir s’ils ont des documents d’archives sur lesquels je pourrais retrouver une trace d’Emile ou de sa mère. Après un mois d’attente, je reçois une réponse m’informant qu’Emile apparait bien sur le registre des naissances de la Maternité Port-Royal mais qu’il n’y à pas d’informations sur sa mère. Le document étant un registre, il ne peut être photocopié. Il me faudrait donc passer aux archives de l’AP-HP  pour pouvoir consulter ce registre. Mais ce document ne devrait pas m’apporter d’autres informations et c’était une période très occupée pour moi à cause des études, je n’ai donc jamais pris la peine d’aller consulter ce registre. Si ce document ne comporte pas d’informations sur Amable Rosalie LEBLANC, je me dis que les pistes de recherche s’arrêtent là et que je ne trouverais jamais les origines de mon ancêtre. Deux ans ont ensuite passés et je décide de recontacter les archives de l’AP-HP. En effet, si la naissance d’Emile est recensée à la maternité Port-Royal, je me dis qu’il doit exister d’autres documents recensant les admissions, les passages et les sorties de l’hôpital. Je retente donc ma chance et deux jours après avoir envoyé mon mail j’ai une réponse ! Un registre des admissions à la maternité existe bel et bien et nous y retrouvons la trace d’Amable Rosalie LEBLANC. Le registre étant numérisé, une copie m’est transmise en pièce-jointe de la réponse. Enfin une piste sérieuse, après plusieurs années ! 

Cette seule petite photo du registre m’apporte des informations essentielles. Amable Rosalie LEBLANC est inscrite sous le numéro 192. Elle est journalière, à 29 ans et est née à Dieppe dans le département de la Seine Inférieure. Elle réside à Paris, mais je n’arrive pas à lire le nom de la rue. Elle est célibataire et accouche après 8 mois de grossesse le 23 février d’un garçon inscrit à l’état civil sous le numéro 499. Elle est entrée le 3 janvier 1844 à la maternité et en ai ressortie le 3 mars. J’ai donc enfin des informations qui vont me permettre, je l’espère, de retrouver Amable Rosalie LEBLANC.

Les archives de Dieppe

Direction donc les archives de Dieppe, aux alentours de 1815. Malheureusement, aucune Amable Rosalie LEBLANC en 1815. Je jette un oeil aux tables décennales entre 1802 et 1823 pour repérer tous les LEBLANC nés à Dieppe. Seuls deux personnes ressortent, un garçon né en 1809 et une fille, Rosalie Reine LEBLANC. Cette dernière m’interpelle puisque nous retrouvons le prénom Rosalie. Mais le prénom complet ne correspond pas, tout comme la date de naissance. Mais les informations fournies sur les registres de l’hôpital sont-ils fiables ? Pas sûr. 

Je cherche donc à en savoir plus sur la famille de cette Rosalie Reine LEBLANC. Peut être a t-elle une soeur ? Ses parents, Jean Bertin LEBLANC, marin-pêcheur et Marie Victoire VASSE ont ensuite eu trois autres enfants à Dieppe, en 1824, 1827 et 1833. Mais aucun ne correspond puisque deux sont décédés en bas âge et que le dernier est un garçon. Mais l’acte de naissance de Rosalie Reine indique la date et le lieu de mariage de ses parents. Je me dirige vers les archives du Calvados puisque le mariage a eu lieu à Honfleur en 1808. Je retrouve ce mariage, puis la naissance de plusieurs enfants: Victoire Catherine Éléonore née en 1809, Jean Léonore Alexandre en 1811, Emmanuel Désiré en 1814, Paul Aimé en 1816 et Marie Anne Rosalie en 1817. Sur la fratrie, deux soeurs se distinguent et pourraient être notre Amable Rosalie: 

-Marie Anne Rosalie, née à Honfleur en 1817. L’année de naissance correspond à peu près à l’estimation et nous retrouvons le prénom Rosalie.

-Rosalie Reine, née à Dieppe en 1821. Le lieu de naissance correspond mais elle semble un peu jeune. Nous retrouvons également le prénom Rosalie.

Il n’y a aucune trace d’une autre famille LEBLANC à Dieppe aux alentours de 1810/1820 avec des filles dont l’âge et le nom pourraient correspondre. Je suis donc presque sûre que cette famille est celle de notre ancêtre mais sans certitude à 100%. Mais quelle fille est la mère de Emile Benoni ? Je vais donc tenter de suivre la trace de la famille et plus particulièrement de trouver un mariage ou un décès de ces deux filles, voir une indication de lieu de vie aux alentours de 1844.

En 1841, la famille est recensée à Dieppe. Le couple LEBLANC vit avec deux enfants, Reine et Armand. Armand est le petit dernier né en 1833 et Reine est très probablement Rosalie Reine née en 1821, qui serait âgée de 20 ans. Cette dernière se marie le 30 octobre 1844 à Dieppe avec Jean Baptiste Benoni Alexandre Cloquette. Je n’ai retrouvé aucune trace de Marie Anne Rosalie. Aucune des deux filles ne semble se détacher. Est-ce Marie Anne Rosalie qui est partie travailler à Paris ce qui expliquerai que nous ne retrouvons pas sa trace ? Ou bien Rosalie Reine est-elle partie travailler quelques années, entre le recensement de 1841 et son mariage en octobre 1844, huit mois après la naissance d’Emile ? Ce qui m’a interpellé est le troisième prénom de son mari, Benoni, qui est peut courant et qui est le deuxième prénom d’Emile Benoni. Mais j’ai croisé quelques fois ce prénom dans les tables décennales de Dieppe, peut être est-il plus courant dans cette région.

La filiation d’Emile Benoni LEBLANC et de sa mère Amable Rose n’est donc pas certaine même s’il semble probable que Amable Rose soit une fille du couple Jean Bertin LEBLANC et Marie Victoire VASSE. J’ai donc choisi de remonter l’ascendance de cette famille en attendant de pouvoir peut être un jour valider l’hypothèse de cette filiation.