Après son enfance en tant qu’enfant de l’hospice de Nevers, racontée dans cet article, Anne va construire sa propre famille.
Le 6 mai 1876, Anne se marie. Son époux, François Clémendot est plus âgé de 6 ans et à grandi entre Larochemillay et Millay où il est maintenant domestique au hameau de La Vallée. Ayant grandi dans les même commune, il est tout à fait possible qu’ils se connaissent depuis plusieurs années. Peut être même est t-il à l’origine du comportement « de débauche » d’Anne durant son adolescence. Le couple s’unit donc en l’église Saint-Maurice de Millay en présence de François et Jean Montcharmont, des amis de l’époux. Jean est également le mari de Marie Thomas, la « soeur » de Anne. Du côté de l’épouse, ce sont Antoine Pillet et Pierre Thomas qui sont présent. Pierre Thomas doit être un cousin de la famille qui a élevé Anne. On remarque donc qu’il y a encore des liens forts entre Anne et les Thomas, qui doivent être présents à son mariage.

Après leur mariage, le couple s’installe au hameau de Arlay, de la commune de Millay, où ils accueillent un premier enfants prénommé François le 21 septembre 1877. Peu de temps après, ils déménagent dans le minuscule hameau de Dosne situé à 9km au nord-est de Luzy auquel il est rattaché. Cependant, le hameau est plus proche de Millay qui ne se situe qu’à 6km au nord-ouest. Le 20 aout 1879, Anne à 26 ans et met au monde un second enfant, une petite fille qui s’appellera Jeanne. L’enfant est confié à François Thomas à Millay, lui qui a élevé Anne durant toute son enfance. Cela prouve une fois de plus le lien qui uni les Thomas à notre ancêtre. La jeune maman part alors pour Paris afin d’exercer comme nourrice. Les nourrices du Morvan étant renommées, elle n’a probablement pas de mal à trouver un emploi. Après avoir été élevée par une nourrice du Morvan, Anne perpétue cet héritage en devenant nourrice à son tour. C’est l’occasion pour elle de découvrir la vie dans une grande ville et surtout d’avoir des revenus plus importants. Malheureusement, la petite Jeanne meurt à l’âge de trois mois et Anne ne l’apprendra que quelques jours plus tard, probablement par une lettre écrite par son mari. Elle reviendra ensuite chez elle puisque nous la retrouvons lors du recensement de la population de 1881 où elle réside toujours à Dosne avec son mari. Le petit François, alors âgé de 4 ans, ne vit pas avec eux, mais peut être est-il placé en nourrice ? Année après année, la famille s’agrandit. Un nouveau fils, nommé François lui aussi, nait en 1883, suivi deux ans et demi plus tard de Catherine Alexandrine. Nous retrouvons la petite famille lors du recensement de 1886. François est journalier et la profession d’Anne n’est pas citée. Ils vivent avec leurs enfants: François 10 ans, leur fils ainé, Lazare qui est en réalité le second François et qui a alors 4 ans et « Jeanne » Catherine Alexandrine, âgée d’un an. On remarque que les prénoms des enfants est différents de ceux qu’on leur connait. Mais il est courant à l’époque que les prénoms donnés aux enfants à l’état-civil diffèrent de leurs prénoms de baptême ou du prénom qu’il leur est donné dans la vie de tous les jours. Les deux premiers fils s’appelant François à l’état-civil, il est logique que l’un des deux soit prénommé autrement par la suite. Deux ans plus tard, Anne accouche d’un petit Henri qui ne vivra que deux ans. Le recensement de 1891 nous apprend que Anne est surnommée Louisette. Cette même année Pierre vient agrandir la famille puis c’est Jean, en 1895 qui complète la fratrie. Anne aura ainsi eu sept enfants dont deux seront décédés en bas âge. Entre avril 1895 et avril 1896, la petite famille déménage à Sémelay et s’installe dans le petit hameau de Marry où nous les retrouvons lors du recensement. Ils sont cultivateurs et Jeanne âgée de 16 ans aide sa mère à élever ses deux jeunes frères: Pierre 4 ans et Jean 1 an. Les deux ainés ne vivent pas avec eux et sont probablement employés comme domestiques ou journaliers dans les environs. François, le fils ainé du couple, employé comme domestique à Sémelay tombe malade et est admis à l’hospice de Luzy où il décède le 18 avril 1898 alors qu’il n’a que vingt ans. C’est un drame pour Anne qui perd un troisième enfant après Jeanne en 1879 et Henri en 1890. La vie se poursuit et la région est mouvementée suite à la mise en place de la laïcité. En 1903, la congrégation religieuse de Sémelay est expulsée, entrainant des troubles. Les paroissiens défendent les soeurs et « près d’un millier de personnes ont conduit, sous une pluie diluvienne, jusqu’à la gare de Rémilly, en les acclamant, trois pauvres religieuses expulsées de Sémelay. La gare avait été occupée par quatre brigades de gendarmeries ». Cette même année, la première ligne téléphonique reliant Sémelay à Fours et Saint-Honoré-les-bains est installée. Anne fête ses cinquante ans et en 1904, sa fille Catherine Alexandrine se marie avec Jean Leblanc, un beau journalier d’un mètre 64, châtains aux yeux marrons. Il est veuf est habite à Marry tandis que Catherine Alexandrine exerçait comme domestique dans la commune de Chiddes. L’année suivant, François, le second fils d’Anne, part pour Nevers puis Chalon-sur-Saone pour deux ans de services militaire. De nouvelles tensions ont lieu à Sémelay où les religieux refusent d’ouvrir les portes des bâtiments religieux pour permettre l’inventaire. Un serrurier et un comissaire de police viennent de Nevers. Petit à petit, le calme retombe sur la campagne morvandelle.
Un nouveau recensement de population à lieu en 1906 et nous découvrons que François et Anne, âgés d’une cinquantaine d’années vivent avec leur plus jeune fils Jean, 11 ans, et qu’ils élèvent un enfant des hospices de Paris: Emile Antoine, 5 ans. C’est un juste retour des choses pour Anne, qui à été élevée en famille d’accueil également. En février 1909, Anne et François marient un second enfant. C’est François qui convole en justes noces avec Marie Soret, une amie de la famille. Sur le recensement de 1911, Emile Antoine vit toujours avec le couple au hameau de Marry. Anne accueille également plusieurs petits-enfants, de sa fille Catherine. Mais en 1914, c’est le début d’un nouvel événement historique. La France entre en guerre le 28 juillet et le premier Aout, un appel à la mobilisation générale est lancée. Anne et François ont trois fils susceptibles d’être appelés. Les deux ainés sont mobilisés. François à 31 ans et est déjà papa d’une petite Alice âgée de 4 ans. Pierre, lui, était encore en service militaire dans les Vosges, proche du futur front avec l’Allemagne. Trois mois plus tard, le petit dernier, Jean, tout juste 19 ans, part à son tour pour la Lorraine. C’est une période difficile pour toute la France et Anne s’inquiète pour ses trois enfants qui combattent au front. Mais c’est un autre drame qui la frappe puisqu’en décembre 1916, quelques jours après Noel, François, son époux, meurt à l’âge de 69 ans, la laissant seule, endeuillée et inquiète pour ses enfants. Jean, son plus jeune fils, est présent à ce moment là. Mais la guerre suit son cours et il retourne se battre. Six mois plus tard, François est blessé par balle à la joue gauche. Anne l’apprend-elle par lettre ? Petit à petit, la France prend le dessus sur l’Allemagne mais les combats font rage dans les tranchées où des millions de soldats meurt. Il était presque impossible que les trois garçons Clemendot rentrent sein et sauf. Jean, le benjamin de la famille, tombe au combat le 20 juillet 1918, au bois du Crochet dans la Marne. Quatre mois plus tard l’armistice sera signée. Anne retrouve ses deux fils survivant et la France se reconstruit petit à petit. Un monument au mort est érigé à Sémelay. Parmi les 70 noms inscrits, celui de son fils, Jean Clémendot, mort pour la France à 23 ans. Deux de ces enfants, François et Catherine Alexandrine, vivent à proximité avec leurs familles. Pierre, revenu de la guerre, vit quelques années en région parisienne avant de partir pour l’Auvergne où il se mariera en 1921. Il aura trois enfants. Le plus grand viendra vivre avec Anne à Sémelay où nous le retrouvons en 1931. Anne termine sa vie entourée de sa famille et s’éteint à son domicile le 11 juillet 1932 à l’âge de 79 ans.

Sa vie fut bien remplie, mouvementée et marquées par l’une des plus triste période de la France. Si le malheur la toucha avec son abandon, une adolescente perturbée, la mort de trois de ces enfants et le veuvage, on pourra malgré tout pensé qu’elle fut heureuse et que sa vie se termine sereinement pour cette enfant des hospices qui repris le flambeau comme nourrice pour venir en aide à d’autres enfants à son tour.
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