Anne Souverain, enfant de l’hospice de Nevers – Chapitre 1

Anne Souverain est la grand-mère maternelle de mon arrière-grand-père.  Enfant naturelle, elle sera confiée à l’hospice de Nevers à cause de l’extrême pauvreté de sa famille et connaitra un parcours mouvementé dont nous pouvons suivre les traces grâce aux archives conservées. 

L’histoire d’Anne Souverain commence le 23 octobre 1852 au hameau de Fâche rattaché à la petite commune de Anlezy dans la Nièvre.

Carte de l’État-major montrant la commune d’Anlezy et le hameau de Fâche – Source: Géoportail

Sa mère, Aimée Souverain, n’est pas mariée, ce qui fait d’Anne une enfant naturelle. Elle est baptisée dès le lendemain de sa naissance, les enfants devant être baptisé le plus rapidement possible en cas de décès précoces, ce qui est courant avec le taux de mortalité infantile de l’époque. La cérémonie à lieu dans l’église Saint-Nazaire et Saint-Celse d’Anlezy datant du XIIè siècle, en présence de ses parrain et marraine: Louis Topin et Anne Claire qui lui donna son prénom et qui signa l’acte. À l’époque, les naissances sont déclarées auprès de l’état-civil à la maison commune de la ville et non plus seulement à l’église pour le baptême. Hors, il n’y a aucune trace de la naissance d’Anne dans les archives de la commune.

Acte de baptême de Anne Souverain – Source: AD 58

Anne passe ensuite les premiers jours de sa vie au hameau de Fâche avec sa mère et peut-être chez ses grand-parents maternels. Mais la famille est très pauvre et Aimée doit se résoudre à confier son enfant à l’hospice puisqu’elle est dans l’incapacité de l’élever. Elle s’adresse donc à la mairie d’Anlezy pour l’aider dans ses démarches. Ainsi, le maire et les membres du conseil municipal rédigent une demande d’admission à l’hospice de Nevers. Ce document nous apprend que Aimée, orthographié Edmée, est âgée de 31 ans et qu’elle habite la commune depuis le 1er mai 1852. Elle et sa famille étant « dans la plus grande misère » et dans « l’impossibilité de nourrir l’enfant et même de l’allaiter », il est donc demandé à l’hospice de prendre en charge la petite Anne âgée d’un peu plus d’un mois. On remarque que cet acte est d’ailleurs signé « Clair », le même nom que la marraine de notre Anne, peut être un membre de la famille de Anne Clair fait-il parti du conseil municipal de la ville ? Cette lettre s’accompagne d’une note rédigée par le Comte de Damas d’Anlezy le 20 novembre 1852, qui demande de « prendre en considération la position malheureuse de la famille Souverain, non pas à cause de la conduite de cette malheureuse fille, mais en raison de son père, qui est un très brave homme ». La conduite d’Aimée, mère célibataire, est en effet considérée comme mauvaise aux yeux de la société et surtout de l’Église. Le dossier est complété par une lettre d’un médecin de la commune de La Machine qui, le 16 novembre, est venu à Fâche pour visiter la famille d’Anne Souverain et ainsi appuyer la demande. Le médecin, après examen de la nouvelle maman, constate qu’elle est atteinte de métrite aiguë, une inflammation de l’utérus d’origine infectieuse. Elle est très fiévreuse et la pauvreté règne dans le logement de la famille ce qui encourage le médecin à appuyer la demande d’admission à l’hospice. 

Lettre du Maire de Anlezy demandant le placement de Anne Souverain à l’hospice – Source: AD 58

Anne est donc emmenée à Nevers où elle est admise à l’hospice le 29 novembre 1852, sous le numéro matricule 1272. Le lendemain, elle est de nouveau baptisée. En effet, tous les enfants nouvellement arrivés à l’hospice sont systématiquement baptisé à moins d’une preuve certifiant qu’un baptême à déjà eu lieu. Cela aurait dû être le cas pour Anne, mais elle est quand même baptisée sur place. Son parrain est François Bourdelier et sa marraine Marie Sophie, qui ne savent signer. 

Acte de baptême de Anne Souverain à Nevers – Source: AD 58

Anne passe quelques jours à l’hospice avant d’être envoyée en nourrice. En effet, à cette époque, les enfants ne vivent pas à l’hospice mais en famille d’accueil, le plus souvent à la campagne. Les nourrices morvandelles sont très reconnues et même les enfants parisiens se retrouvent en garde dans la région du Morvan. Anne, originaire de la Nièvre, reste donc dans son département puisqu’elle est placée chez la famille Thomas au Bois de Mouceau sur la commune de Larochemillay. Pierrette Martinet et François Thomas sont un jeune couple de journaliers mariés depuis quelques années et parents de deux enfants: Marie, qui a presque 6 ans et Jean 1 an et demi. Anne grandit ainsi en famille dans le hameau de Bois de Mouceau, à l’est de Larochemillay.

Hameau de Mouceau d’après le plan cadastral – Source: AD 58

Il est composé de terres labourables et de prés, parsemées de maisons éparpillées où les habitants vivent principalement du travail de la terre. On peut penser que ces premières années sont heureuses et qu’elle est considérée comme enfant à part entière des Thomas. Mais l’hospice ne laisse bien-sûr pas les enfants sans surveillance, et des inspections sont organisées à quelques années d’intervalles. Ainsi, en octobre 1857, alors qu’Anne à 5 ans, une première inspection nous permet de voir comment elle va. Nous apprenons alors qu’elle va bien, qu’elle est assez propre et qu’elle a une figure agréable. Elle a également été vaccinée et porte toujours le collier avec son numéro matricule, que chaque enfant conserve après sa sortie de l’orphelinat. Après quelques années, le collier finit par être coupé car l’identification des enfants est possible autrement. Deux mois après cette inspection, la famille Thomas s’agrandit avec la naissance d’un petit Lazare. La vie suit son cours au Bois de Mouceau. En 1860, la commune de Poil, qui appartenait auparavant à Larochemillay, devient indépendante. Le hameau de Monceau, plus proche de Poil, appartient aujourd’hui à Poil mais à l’époque, les événements continuent d’être recensés à Larochemillay, peut-être par habitude. Anne à la chance de suivre un enseignement scolaire et religieux. Le 21 juin 1863, alors qu’elle a une ans, elle fait sa première communion en l’église de Larochemillay. Une inspection cette même année nous apprend qu’elle a une intelligence développée, qu’elle sait lire et bien écrire. Elle jouit d’une bonne santé et sa conduite n’est pas mauvaise. Elle reste avec sa famille puisqu’en 1865, un nouveau contrat, pour 3 ans, est passé avec la famille Thomas.

Fiche de suivi des enfants de l’hospice entre 12 et 21 ans – Source: AD 58

Mais l’état d’Anne se dégrade puisque lors de l’inspection de 1865 alors qu’elle a 13 ans, il est indiqué que sa santé est faible et que, même si sa conduite n’est pas mauvaise, son caractère laisse beaucoup à désirer. On peut en effet penser que Anne, rentrant dans l’adolescence, commence à se poser des questions sur ses origines, ce qui peut influencer son comportement et provoquer quelques crises et accès de colère. Une inspection annuelle est mise en place pour veiller à son comportement. L’année suivante, sa santé n’est pas mauvaise et sa conduite régulière mais l’hospice « n’est pas content de cette élève sous le rapport du caractère, qui laisse à désirer ». En 1867, Anne à 15 ans. Lors de l’inspection annuelle, elle est mal habillée, à un mauvais langage et est portée à la débauche. Est-ce la crise d’adolescence ? Anne a t-elle rencontré un garçon ? Quoi qu’il en soit, le 22 novembre 1868, après une dernière inspection, Anne est réadmise à l’hospice, d’autant plus que le contrat avec la famille Thomas arrive à son therme. Elle quitte ainsi Larochemillay et la famille qui l’a élevée durant toute son enfance et son adolescence, la seule qu’elle ai jamais connue. Mais à cet âge là, les enfants sont traditionnellement placé en apprentissage afin d’apprendre un métier et de pouvoir se débrouiller seul par la suite. En décembre 1868, elle est donc placée chez Mme Couturier, à Nevers, mais nous n’avons pas plus d’informations sur cette femme. Mais seulement un an après, elle retourne chez ses anciens parents nourriciers, qui habitent cette fois-ci à Luzy, commune plus importante que Larochemillay où ils étaient auparavant. Lors de l’inspection de ses 17 ans en 1869, elle « marche bien » mais à de « mauvais penchants ». Elle reste plusieurs mois avec les Thomas qui déménagent à Millay où elle les suit. Mais en mai 1870, elle est placée chez Mr Daguillau à Nevers. Elle y restera près d’un an avant de retourner chez les Thomas. Ses retours chez sa famille nourricière montre que la famille est attachée à Anne et réciproquement. Ses placements chez d’autres personnes semblent ne pas bien se passer, Anne souhaitant probablement rester dans sa famille. Après ses 18 ans, son comportement s’améliore et Anne se tient bien. Lors du recensement de population de 1872, les Thomas vivent au bourg de Millay et Anne est avec eux. Le foyer se compose de François Thomas alors âgé de 54 ans et toujours journalier, de Jeanne Martinet, sa femme de 52 ans ainsi que leurs trois plus jeunes enfants: Lazare 14 ans, Jeanne 8 ans et Louise 5 ans. Jean Martinet, le frère de Jeanne est également présent tout comme notre Anne qui est journalière et qui est citée comme enfant assistée malgré ses 19 ans. Enfin, les Thomas élève un autre enfant, Alexandre Bloe, 7 ans et enfant assisté de la Seine.

L’année suivante, l’hospice est « assez content maintenant » et Anne est envoyée en placement chez Mr Lagarde aux Baudins de Luzy où elle gagne 100 francs. Ce placement semble mieux se passer puisqu’elle reste à proximité de sa famille qui habite la commune voisine. 

La suite de l’histoire d’Anne Souverain se trouve ici.

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