Dimanche 4 juillet aura lieu la fête nationale américaine. En cette occasion, je m’intéresse donc à Emile Roguin, le frère de mon AAA-grand-père, qui a émigré aux États-Unis à la fin du XIXè siècle. Si l’immigration aux USA fut très importante à cette période, Emile est le seul de mon arbre généalogique a avoir tenté sa chance outre-Atlantique. Son périple me laissa également quelques mystères.
Une enfance dans les Ardennes
Emile Roguin voit le jour le dimanche 9 mars 1862 dans la maison de ses parents au village d’Angecourt, dans les Ardennes. Proche de la grande ville de Sedan et de la frontière avec la Belgique, Angecourt est l’un des quatre villages de la vallée du ruisseau l’Ennemane, affluant de la Meuse. La région est très rurale et boisée, et la plupart des habitants travaillent la terre, cultivant notamment les matières premières servant à la fabrication du textile. En effet, nombreux sont ceux qui sont fileurs, tisserands ou encore sergers. C’est d’ailleurs le cas des parents d’Emile, fileurs tous les deux. Emile grandit donc dans le village d’Angecourt avec ses frères et soeurs puisqu’il est le benjamin d’une fratrie de huit enfants. Avant lui viennent deux soeurs aînées, nées en 1844 et 1846, puis cinq garçons en neuf ans. Tous atteindront l’âge adulte.

Le début de l’âge adulte
Nous retrouvons Emile lorsqu’il a vingt ans, à l’occasion de son service militaire. Nous apprenons ainsi qu’il travaille comme mécanicien. En effet, si la région offrait de nombreux emplois dans le domaine du textile, l’industrie s’est petit à petit développée et plusieurs frères Roguin travailleront comme mouleur, mécanicien ou ouvrier métallurgiste par exemple. La fiche matricule d’Emile nous permet aussi de mettre des traits sur son nom, grâce à son signalement. Il a des cheveux châtains tombant sur ses yeux bleus et mesure 1m65. Il est cependant de constitution fragile et sera donc envoyé dans les services auxiliaires de l’armée pour cause de faiblesse générale et n’effectuera donc pas de service militaire armé.

N’étant pas envoyé à l’armée, Emile reste chez lui à Angecourt où il côtoie Marie Virginie Deponthieu, une jeune fille de deux ans sa cadette. De cette relation naîtra un enfant illégitime en 1883, un petit garçcon prénommé Constant Emile, qui prendra le nom de sa mère jusqu’à sa légitimation en 1884, à l’occasion du mariage de ses parents. En effet, Emile et Marie Virginie se marient à Angecourt le 13 juillet 1884, un an et demi plus tard. Quelques années après, la famille s’installera à Sedan où les opportunités d’emplois sont plus nombreuses. Ils auront également un deuxième enfant, une petite Marie Anne, qui naîtra en 1888 au domicile de ses parents au 20 rue de Wadelincoure. Jusque là, sa vie semble tout à fait classique mais une information notée sur sa fiche militaire interpelle. Dans la colonne des localités successives habitées, il est en effet noté que le 10 mai 1889 et le 16 juillet 1895, Emile habitait Chicago, aux États-Unis ! C’est donc là qu’à démarré mon enquête pour retrouver la trace d’Emile de l’autre côté de l’Atlantique.

L’immigration d’Emile aux États-Unis
Mon premier réflexe est donc de retrouver la trace de l’arrivée d’Emile aux États-Unis par le biais des listes de passagers des navires entrant à New-York. Je consulte donc le site d’Ellis Island ainsi que Family Search où je retrouve Emile. Il est en effet indiqué comme passager sur le navire Gascogne arrivant aux USA au début du mois de mai 1889. Il voyage alors seul et a 27 ans.

Je retrouve Emile sur une seconde liste de passagers, arrivés à New-York le 14 juillet 1894 par le navire La Touraine, parti du Havre. Sur le document, il est indiqué qu’il a 22 ans, qu’il est « engineer », marié et qu’il voyage en direction de Chicago. Mais cette fois-ci, il n’est pas seul, il est accompagné de Charlotte Roguin, 6 ans.

Ce document me pose quelques problèmes puisque l’âge ne correspond pas, il a 22 ans au lieu de 32 ans, et il est accompagné de Charlotte Roguin, 6 ans. Qui est-elle ? Il n’y a personne à ce nom dans sa famille, mais six ans est l’âge de sa fille Marie Anne, née en 1888. L’hypothèse la plus probable est qu’il s’agit bien d’Emile et de sa fille Marie Anne et que les incohérences sont dues soit à des erreurs soit tout simplement à l’utilisation d’un prénom différent, comme c’est souvent le cas. Cette hypothèse semble se confirmer par la destination de la famille Roguin: Chicago.
Emile est donc parti seul aux États-Unis en 1889, laissant sa femme et ses enfants en France. Cinq ans plus tard, il revient en France afin de récupérer sa fille Marie Anne, dite Charlotte, et l’emmener avec lui à Chicago, où il vit depuis. Le mystère demeurant quant à la raison qui fait que sa femme et son fils ne le suivent pas aux USA.
Quelques mois après son retour à Chicago, Emile deviendra citoyen américain. Sur Familysearch, on retrouve en effet son acte de naturalisation, en date du 6 octobre 1894. Ce document comporte peu d’informations. Son âge et sa date d’arrivée en France ne sont pas connues, son prénom est orthographié « Emil » et il vit au 144 Liberty Street. Son témoin fut Michael Gabriel, habitant au 325 Maxwell street.

La vie d’Emile aux États-Unis
Durant ses premières années aux États-Unis, Emile vivra à Chicago.

Sa fiche matricule militaire indique en effet qu’il est dans cette ville à l’été 1895, et on le retrouve dans le recensement de population du 4 juin 1900. Et surprise, il est marié ! Le foyer se compose de Emil Roguin, âgé de 38 ans. Il est né en France et serait arrivé aux USA en 1886. Il exerce la profession de machinist et sait lire, parler et écrire anglais. Il est marié depuis neuf ans avec Mary Roguin, âgée de 41 ans, qui est née en Suisse et arrivée aux États-Unis en 1876. Elle est mère de deux enfants. Deux enfants vivent d’ailleurs avec le couple. Le premier est Charlott Roguin, née en janvier 1888 en France, ce qui correspond bien à la date de naissance de Marie Anne, la fille d’Emil. Le second est Willie Anderson, âgé de 16 ans, qui est le fils de Mary, d’un premier mariage.

Emile et Mary seraient donc mariés depuis 1891 environ, mais Marie Virginie Deponthieu, la femme qu’Emile avait épousé en France en 1884 est toujours vivante. C’est donc assez étrange qu’Emile soit marié à deux femmes différentes, dans deux pays différents. Malheureusement, impossible de retrouver l’acte de mariage de Mary et Emile, qui me permettrait d’en savoir plus.
Entre 1900 et 1910, la famille Roguin quitte Chicago pour un long périple de plus de 1500 kilomètres. Ils renoncent au nord du pays pour se diriger vers le sud et le golfe du Mexique afin de s’installer dans la petite bourgade rurale de Robertdale, en Alabama. On y retrouve Emile et Mary lors du recensement de 1910, ils vivent cette fois-ci sans enfants.

Emile ne travaille plus dans l’industrie, comme mécanicien mais comme fermier. Sa femme, elle, ne travaille pas. Ils resteront vivre à Robertsdale pour le reste de leur vie, durant plus de quinze ans. Emile mourra le 27 décembre 1924 à Robertsdale et sera enterré au cooper cemetery deux jours plus tard.

Il avait alors 62 ans. Son acte de sépulture comporte cependant une erreur puisqu’il indique sa naissance à la date du 9 mars 1868. Emile est en effet né le 9 mars, mais en 1862. La mention de cette date du 9 mars confirme cependant qu’il s’agissait bien de « mon » Emile, notamment sur la liste des passagers de 1894 où il voyageait avec sa fille Charlotte.
Que devient sa famille ?
Je n’ai aucune information sur le décès de son épouse américaine Mary, ni sur la vie que mènera sa fille Charlotte dont la dernière trace se trouve à Chicago sur le recensement de 1900. Concernant sa famille en France, j’ai un peu plus d’informations. Sa femme et son fils Constant Emile ont quitté les Ardennes pour Paris et ils n’auront plus de nouvelles d’Emile après son installation aux États-Unis. En effet, lors du mariage de son fils à Paris dans le 15è arrondissement, il déclarera que son père a disparu. Emile Constant travaillera dans l’industrie, participera à la Première Guerre Mondiale et aura un fils. Il mourra à Stains, en région parisienne, en 1951. Marie Virginie Deponthieu, elle, ne se remariera jamais et mourra à Paris en 1919. Son acte de décès indique qu’elle est veuve d’Emile Roguin, alors qu’il est toujours en vie, vivant sa vie de l’autre côté de l’Atlantique.
0 commentaires